- Battista revenait avec le printemps (Renata Ada-Ruata)
- Broché: 352 pages
- Editeur : EDITIONS DE L'AUBE (2 octobre 2014)
- Collection : Regards croisés
- Langue : Français
- ISBN-10: 2815910721
- ISBN-13: 978-2815910729
Résumé :
Battista
a douze ans quand il part pour la première fois avec son père, sur les routes
italiennes, (viendront plus tard les routes suisses, puis françaises). De la
Toussaint au printemps, chaque année, les hommes de ce village du Piémont
italien partent vendre leur de travail dans les villages et les villes. Ils
sont rémouleurs, étameurs… En échange de leur travail, ils obtiennent le gîte,
le couvert, ou de l’argent qui servira plus tard lors de leur retour au
village. Les pères transmettent ainsi à leurs fils les savoir-faire et les
techniques qu’ils ont eux-mêmes après de leurs pères sur ces mêmes routes.
Au
gré de leurs pas, ils observent sans vraiment le savoir, la montée du fascisme,
l’arrivée de l’industrialisation.
Et
chaque été, ils rentrent chez eux, la tête et le cœur pleins de rencontres, de
mots, d’images.
Si
sur les routes Titto (le surnom de Battista) apprend le métier de son père, de
retour, il les raconte à son maître et à son cousin Neto (parti lui sur des
routes différentes). Ce maître d’école est plus qu’un enseignant : à
chacun des départs des deux garçons, il leurs donne un livre pour qu’ils
s’entrainent à lire, à écrire et qu’ils découvrent également d’autres mondes.
Et
les mots de Battista nous racontent la nature, la relation des hommes avec la
nature, la relation des hommes avec les femmes, les relations d’un jeune homme
avec sa Grand-Mère, avec sa mère et son frère, avec son père...
Il
évoque aussi la difficulté de grandir, de devenir un homme : les
renoncements auxquels cela conduit parfois.
Un
récit envoûtant !!!!
Mon
avis :
Douceur
est le mot qui me vient à chaque fois que je pense à ma lecture de ce livre.
Je
ne suis généralement pas très attentive à la couverture mais pour une fois je
trouve que celle-ci correspond exactement au livre. Un adulte et un enfant qui
s’éloignent dans le crépuscule italien…
J’ai
d’abord été désarçonnée par le style de l’auteur. En effet il s’agit d’un long
dialogue entre Battista, dit Titto, et celui que l’on identifie au fur et à mesure
comme son maître d’école. Un long dialogue entre un enfant qui raconte la façon
dont il est devient adulte et celui qui lui a donné le goût des mots.
Car
c’est ce maître d’école qui l’a sans arrêt poussé à mettre en mots ses
émotions, à essayer de les écrire (acte peu évident pour un jeune homme dans un
monde où l’écriture est plutôt utilitaire).
Ce
dialogue n’utilise pas les formes écrites habituelles (tirets, guillemets,
retour à la ligne). Le maître intervient au cours du récit de Titto, et seule l’utilisation
des pronoms personnels « tu » ou « vous » nous prévient
de cette intervention.
J’aurais
pu arrêter mais j’ai bien fait de continuer ma lecture. J’ai été bercée par ce
livre. Non pas qu’il soit soporifique, mais je m’aperçois que c’est un peu
comme si Battista m’avait glissé dans sa poche et emmenée avec lui. C’est un
peu comme si j’avais arpenté à ses côtés les routes de l’Italie, appris avec lui le métier d’étameur, observé
avec lui la montée de l’idéologie de Mussolini.
L’écriture
de l’auteur est vraiment toute en rondeur, en douceur (ça me fait bizarre
d’écrire ce genre de remarque mais je ne trouve pas d’autres qualificatifs),
aucun heurt. C’est une écriture que je qualifierai de poétique, tant elle s’adresse à tous les sens du lecteur. J’ai
vraiment ressenti de la tendresse pour ce garçon que l’on voit devenir un homme
et qui pose un regard candide sur le monde qui l’entoure, sur ces évolutions.
Il note, remarque sans jamais juger, ou critiquer.
Le
personnage de la grand-mère aussi m’a profondément touchée. On sent une femme
très philosophe, qui a pris le temps d’observer le monde qui l’entoure, qui
laisse les autres agir selon leur volonté. Aucune méchanceté…
Merci à Virginie Jullion pour cet envoi.
Ce livre est un vrai COUP De CŒUR
Citations :
« Les
nouvelles, s’il n’y en a pas, on sait bien que ça veut dire qu’elles sont
bonnes. Les mauvaises, elles arrivent toujours plus vite que la foudre. »
«
Personne ne m’a appris comme Grand- Mère. Elle m’a ouvert le grand livre de la
nature. Celui des hommes avec ses petitesses et ses grandeurs, tu ne l’as
vraiment connu que plus tard, loin d’elle. »
«
Au printemps suivant déjà vous n’étiez plus les mêmes. Enfin vous étiez les
mêmes mais différents, vous aviez perdu
une part de votre enfance, de son innocence. »
«
Le monde de Grand-Mère s’effritait. Vous entendiez moins la magie et plus
clairement la rudesse, l’injustice et la peine. »
«
Je suis un trouillard doté d’une volonté de fer. Peut- être que c’est cela le
vrai courage. Savoir vers quoi on va, les risques que l’on prend et y aller
tout de même parce qu’on pense qu’on le doit.
«
A nos terres on y est attachés, mais elles ne nous nourrissent pas assez. Sont
ingrates, ne se laissent pas facilement apprivoiser, nos terres. Il faut y
mettre de la sueur et du temps. »
«
Avec les années tu as compris qu’au fond ce n’est pas qu’il ne t’aimait pas
Gigi, il était jaloux. Que la mère et surtout votre grand-mère portent tant
d’attention à l’enfant fragile que tu étais, devait le remplir de rage, il se
sentait mal aimé. Pour éloigner ses déceptions, ses rancœurs, il avait choisi
la dérision, l’humiliation de celui qui en était la cause. »
« Peu
à peu tu as découvert un monde de tensions et de désirs. Un monde puissant et
poisseux, un monde qui t’éloignait de la légèreté de ton enfance dans les arbres,
t’éloignait des contes merveilleux de ta grand-mère. Un monde à la fois plus
simple et moins facile à comprendre. »
«
Ce n’était pas vrai, au monde j’étais plus présent qu’eux tous, différemment. Mais
cela, ils n’arrivaient pas à le comprendre. Là où ils ne voyaient, n’entendaient
que ce qui était, toi tu voyais aussi d’autres choses, comme si derrière chaque
chose, s’en trouvait une autre et encore une autre, comme si la chose elle-même
ouvrait pour toi ses tiroirs secrets, te révélait ses trésors de formes et de couleurs, ses histoires. »
«
Tu aimais tellement que j’ouvre pour toi les voies de la connaissance. J’avais
l’impression qu’une vie entière ne
suffirait pas pour tout savoir. Vous le confirmiez, mais affirmiez que, même si on ne pouvait pas tout savoir,
apprendre était une belle aventure. »
« Tu
as réalisé à quel point pouvoir lire
était quelque chose d’extraordinaire, pouvoir lire et écrire. On lisait,
on écrivait un mot et hop on voyait apparaître un objet ou un visage ou un
paysage. […] On écrivait une phrase avec des mots et cela se mettait à vivre
dans la tête de celui qui la lisait. De la magie. »
«
Écrire dans ma tête oui, des phrases,
des phrases dans ma tête, mais les mettre sur un papier, moi je n’avais
pas cette capacité-là, non, ni même jamais j’aurais cette prétention. »
«
Alors une envie envahissante de la conserver, elle, [sa grand-mère], sa vie l’envelopper
dans des phrases que je pourrais lire et relire m’a pris. »
« Tu
commençais à saisir ce que les gens pouvaient valoir ou pas, du moins tu le
pensais, tu commençais à te méfier des paroles et à tenir compte surtout des
faits. »
«
Les trésors qu’on rapporte peuvent se trouver cachés dans nos cœurs, non
révélés à la face du jour. »
Tu as bien fait de t'accrocher, finalement.
RépondreSupprimerOui et je vous conseille de ne pas lire mon piètre résumé mais le livre!!!!
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