samedi 29 avril 2017

Les cœurs déchiquetés ( Hervé Le Corre)



Les coeurs déchiquetés

  •  Les cœurs déchiquetés ( Hervé Le Corre)
  • Poche: 471 pages
  • Editeur : Rivages (4 janvier 2017)
  • Collection : Rivages/Noir
  • Langue : Français
  • ISBN-10: 2743638621
  • ISBN-13: 978-2743638627




Mon résumé :
Peut-on un jour se remettre de l’enlèvement de son enfant ? Même s’il a dû apprendre à vivre avec, la disparition et l’absence de Pablo hantent toujours autant Pierre Vilar. Il n’est pas rare qu’elle refasse surface, d’une façon ou d’une autre, au cours d’une enquête de ce commandant de police. D’autant plus qu’il n’a jamais pu se résoudre à abandonner les recherches pour comprendre. Il est aidé en cela par un gendarme, à la retraite.
Quand, dans le cadre de son métier, Pierre se retrouve en charge de l’enquête sur le meurtre d’une jeune femme, Nadia, il lui est impossible de rester de marbre. Pour Victor, le fils adolescent de la victime, il se doit de comprendre. Mais au fur et à mesure de ses investigations pour savoir qui pouvait en vouloir à la jeune femme de ménage, Pierre semble réveiller la haine d’un homme qui se met à le poursuivre….

Mon avis :
Un polar qui prend aux tripes et que j’ai terminé avec les larmes aux yeux.
Des cœurs déchiquetés, c’est bien ainsi qu’ils sont Pierre et Victor. Ils ont beau avoir assez d’années d’écart pour pouvoir être père et fils, ils n’en demeurent pas moins qu’ils vivent la même expérience. Celle d’être obligé d’apprendre à vivre avec l’absence. Et pas avec n’importe quelle absence :l’ absence des personnes qu’ils aimaient le plus au monde.
L’absence d’un fils aimé et choyé qui lui a été enlevé sans raison, pour Pierre. Une absence qui a fait exploser sa vie, son couple. Il aurait pu se croire invulnérable, de par sa profession. Mais quel pouvoir de protection a une arme contre la perte et la douleur, contre l’absence d’indice ?
Pour Victor, qui ne connaît pas son père, la soudaine disparition de sa mère le propulse dans un monde inconnu. De fils de mère célibataire, il devient « l’orphelin ». Lui qui n’avait connu que l’amour de sa mère, se retrouve du jour au lendemain soumis à la dureté de la vie en maison d’enfants. Un lieu où même si les adultes sont bienveillants, les enfants ont subi de trop de traumatismes pour qu’ils soient tendres entre eux.
Je m’attendais un polar un peu classique, à une enquête sur un meurtre, menée par un policier lui-même brisé. J’étais loin du compte.
D’abord parce que ce l’écriture de Mr Le Corre n’est pas une écriture de polar. C’est une écriture qui analyse les sentiments. Avec des mots simples, mais admirablement choisis et percutants, il décrit les étapes du deuil. Son analyse des celles par lesquelles est passé Pierre pour apprendre à vivre sans son fils, celles de l’explosion de son couple, toute en pudeur, est tout simplement émouvante.
De la même façon il nous décrit la réaction de Victor, avec cette même pudeur. Il énonce tous les sentiments qui traversent le jeune garçon, son apathie, son réapprentissage de la vie, petit à petit, sans qu’il s’en aperçoive. On sent que chaque mot a été choisi avec soin, sélectionné. Et l’ensemble ne peut manquer de toucher la lectrice que je suis.
Mais Mr Le Corre ne se contente pas de parler des sentiments de ses protagonistes, il construit avec soin une intrigue solide, riche en rebondissements, en tension. Le suspens prend corps, peu à peu, et le lecteur sent en même temps que le policier et l’enfant l’étau se resserrer. Comme les protagonistes, le lecteur se sent piégé, et s’interroge : mais qui a tué Nadia ? Et pourquoi ? Et surtout, qui est l’homme qui poursuit Pierre Vilar ?

Une lecture coup de cœur et coup de poing donc, un livre où psychologie et suspens sont dosés avec minutie pour donner une lecture à faire sans tarder !

samedi 15 avril 2017

Le vertige des falaises (Gilles Paris)



Le vertige des falaises

  •  Le vertige des falaises (Gilles Paris)
  • Broché: 256 pages
  • Editeur : Plon (6 avril 2017)
  • Langue : Français
  • ISBN-10: 2259252834
  • ISBN-13: 978-2259252836





Mon résumé :

En posant le pied sur l’Île, un touriste pourrait être surpris… Une imposante maison domine le paysage, une maison tout en verre et en acier. Une maison baptisée Glass. Ce même touriste, évaluant le coût d’une telle construction et de son entretien, pourrait, dès lors envier la vie des habitants de Glass.

Le concepteur (et aussi propriétaire) de cette belle bâtisse se nomme Aristide Mortemer.  Sous son toit vivent également : Olivia (sa femme), Rose (sa belle-fille), Luc (son fils) et enfin Marnie, sa petite-fille.  Prudence, elle, habite dans une petite maison en face de Glass et a pour mission de s’occuper de ce petit monde. La belle vie….

Mais ça se sont les apparences, car malgré leurs transparences, les murs de Glass cachent une réalité ... vertigineuse (presque autant que les falaises de cette île sauvage) et plus compliquée que la simple structure d’acier de la maison.



Mon avis.

« Papa est mort. Je devrais avoir du chagrin, je n’en ai aucun. » D’emblée, Marnie donne le ton. Il y a de quoi choquer le lecteur… Pourtant, moi j’ai eu envie de poursuivre ma lecture, de comprendre comment et pourquoi une jeune fille de 14 ans pouvait être contente de la mort de son père. Et là je peux vous dire que je suis tombée de haut.

Car dans la famille Mortemer, les hommes sont loin d’être de gentils bisounours. Ils sont rudes et secs comme l’île. En eux, couve une violence digne des tempêtes qui peuvent balayer l’île. De ces tempêtes qu’on ne peut pas prévoir, anticiper, et qui s’abattent presque à l’aveugle.

Les femmes ne sont pas en reste non plus. Comme les herbes de l’île, à force d’affronter les tempêtes, elles ont appris à se protéger, elle se sont endurcies. Elles ont dissimulé au plus profond d’elles-mêmes, leur fragilité, leur besoin de tendresse et d’amour. Mais elles n’en restent pas moins femmes et … attachantes.

J’ai eu un coup de cœur pour le personnage de Marnie, une fillette en apparence, mais une adulte au fond. Une enfant d’une grande maturité pour son âge. Au fil de son récit personnel, de ce qu’en dit sa grand-mère, on voit qu’elle a « poussé comme elle a pu ». Ce qui est beau chez cette enfant, c’est que malgré le » blindage » qu’elle a mis en place pour se protéger, elle a encore des rêves d’enfants, des attitudes d’enfants, et surtout des envies pour le futur.

Le vertige, le lecteur le ressent au fil des pages et des « confessions » des personnages. Petit à petit, mots après mots, les barrières s’effritent, les non-dits se verbalisent et la réalité apparait. Une réalité dure à entendre, à lire mais qui éclaire sous un autre jour la vie de la famille Mortemer.

Il est difficile pour moi d’expliquer pourquoi j’ai aimé ce livre, je peux cependant dire que, outre l’histoire qui ne peut laisser insensible, et les personnages attachants, l’écriture de Mr Paris y est pour beaucoup. Il arrive avec humour, tendresse et surtout réalisme à mettre des mots sur l’indicible, sur l’inacceptable.

Un Grand merci à Mr Paris pour cet envoi ! –

vendredi 14 avril 2017

Seules les bêtes (Colin Niel)



Seules les bêtes

  •  Seules les bêtes (Colin Niel)
  • Broché: 211 pages
  • Editeur : Editions du Rouergue (4 janvier 2017)
  • Collection : Rouergue noir
  • Langue : Français
  • ISBN-10: 2812612029
  • ISBN-13: 978-2812612022


Mon résumé:

Evelyne Ducat a disparu, au milieu de la montagne.  Partie seule faire une petite randonnée, elle n’est pas rentrée. La police, prévenue par Guillaume Ducat (son mari) lance des recherches… et une enquête. S’agit-il d’un accident de randonnée ? S’est-elle perdue dans la tempête de neige ? L’hypothèse de la dispute conjugale ayant mal tournée est également envisagée. Mais les jours passent et la police piétine. Pourtant quelqu’un doit bien savoir quelque chose….

Mon avis :
J’ai commencé ce livre avec à l’esprit l’idée de lire une enquête policière sur la disparition d’une femme. Je pensais que la localisation de l’histoire, le causse, et le milieu paysan où se déroule allait sûrement donner une dimension supplémentaire et originale à l’histoire.
J’étais loin du compte, très loin. Je viens de finir ma lecture et j’en suis encore « sur le c… » (excusez ma grossièreté mais je ne trouve pas d’autre mot…).
Même si cette fois ci, l’enquête ne se déroule pas en Guyane, Mr Niel nous emmène quand même très loin. Très loin géographiquement mais surtout très loin, très profond dans le cœur des hommes et des femmes.
Au travers de ses personnages, il nous livre un portrait sans concession du monde paysan. Un monde où l’entraide ne semble plus de mise, un monde où le rendement semble être devenu le mot d’ordre. Un monde d’hommes qui se lèvent tôt et souvent ne se couchent pas. Un monde soumis à la nature. Et si les bêtes, dans les exploitations, vivent en troupeaux, les hommes eux sont seuls, très seuls.  Inexorablement seuls. Comment affronter cette solitude qui vous ronge les tripes ? Comment la supporter ?  Cette solitude que l’on oublie parfois dans les gestes du quotidien mais qui vous revient, tel un boomerang quand le soir vous éteignez la lumière.
J’ai été frappé, de voir que s’ils produisent de quoi nous nourrir, ces hommes et ces femmes… se nourrissent eux de boîtes de conserve. Ils aiment la nature, les bêtes … mais ils en viennent à haïr ces brebis et ces vaches qu’ils élèvent. Parce qu’à cause d’elles leur vie passe sans eux. Parce qu’à cause de quotas de rendement, ils ont dû abandonner leurs rêves et leurs projets. Leur vie.
Il est difficile de ne pas être touchée par Joseph, par qui s’est retrouvé seul sur son plateau, isolé dans un hameau seulement habité l’été par des touristes ? Joseph qui peut passer quinze jours sans voir personne ? Et que penser de Michel, qui d’ouvrier agricole est devenu propriétaire de la ferme … et de toutes les charges qui vont avec ? Michel qui ne fait plus que survivre, à côté d’Alice sa femme.
Je viens juste de refermer ce livre mais je sais que tous ces personnages créés par Mr Niel me marqueront longtemps. Je ne regarderai plus les reportages paysans à la télé de la même façon….
Du point vu de la forme aussi, Mr Niel fait fort. Il donne la parole aux protagonistes de cette histoire, plus compliquée qu’elle n’y parait. Et à chaque fois, la façon de parler colle exactement au personnage. Une bonne façon de rendre ses personnages si réalistes, si réels.
Ses descriptions de la vie paysanne, et surtout des lieux de l’histoire… je dirai juste « Waouh !!!! » C’est peut dire que de dire que j’ai eu l’impression de sentir la neige sur mon nez, d’entendre les brebis et les vaches… Et j’ai eu l’impression de ressentir moi aussi cette solitude pesante, celle qui peut pousser à … 

Un livre coup de coeur autant qu'un coup de poing!

Citations :

« Mais il y a une chose que les comptables ne mesurent pas, c’est la  honte qui enfle en silence à l’intérieur d’un homme. »
« Il faudrait peut-être réfléchir à une autre voie, qu’elle disait, soi-disant que de nos jours les gens ne font pas toute leur vie la même chose, qu’ils changent plusieurs fois de travail. Mais à ça aussi j’ai dit non. Je sais pas si je l’aime ce travail, mais ce que je sais par contre, c’est que j’ai pas envie d’en changer. Ou pas la force, ou pas le courage, mais ça revient au même. »

« Dans mon ventre, j’ai senti la boule qui revenait. Ou peut-être qu’elle n’était jamais partie. C’est là que j’ai compris. »
« Elle venait, elle m’apportait un peu de douceur, elle me disait des trucs gentils qui me faisaient du bien sur le moment. Mais après, elle repartait et ça recommençait, la boule revenait et grandissait même, c’en était douloureux quand je rentrais le troupeau le soir et que je savais qu’allait commencer une nouvelle soirée. »