Oh non !!!
Encore.
Ils sont encore là.
Pourtant je ne suis pas
sortie à la même heure que d’habitude( Habitudes qu’ils m’ont forcée à changer).
Voila des heures que je
tourne en rond, en hésitant à descendre. Des heures que j’hésite sur la
décision à prendre. Mais je n’ai pas le choix. IL faut bien que j’aille
travailler. Et je n’ai pas le choix. Il n’y a pas d’autre chemin possible. Ni
d’autre tenue possible. C’est l’uniforme réglementaire. Le tailleur sans lequel
je me ferai renvoyer. Le tailleur qui me permet de travailler et de gagner de
quoi nourrir mon enfant. Je ne peux pas faire autrement et changer de travail.
J’ai eu tellement de mal à l’avoir. Et tellement de chance d’être embauchée
malgré mon incapacité à lire.
Et ils sont encore là. Comme hier. Comme avant-hier. Comme avant avant-hier. Comme... depuis quand sont-ils là d’ailleurs ? Depuis quand ont-ils commencé à se tenir là. Avant c’était seulement le soir, il me suffisait de me dépêcher de quitter le travail et de prendre le bus d’avant pour leur échapper. Mais petit à petit, ils ont commencé à venir plus tôt et à partir plus tard. Maintenant ils restent toute la journée.
Et ils sont encore là. Comme hier. Comme avant-hier. Comme avant avant-hier. Comme... depuis quand sont-ils là d’ailleurs ? Depuis quand ont-ils commencé à se tenir là. Avant c’était seulement le soir, il me suffisait de me dépêcher de quitter le travail et de prendre le bus d’avant pour leur échapper. Mais petit à petit, ils ont commencé à venir plus tôt et à partir plus tard. Maintenant ils restent toute la journée.
Maintenant, matin et soir
c’est la même chose. Quand on veut pénétrer dans l’immeuble, il faut passer
devant eux.
Je n’en peux plus de subir
leurs regards. Même la tête baissée, le bonnet presque sur les yeux, je sens
leurs regards brûlants sur moi. Leurs regards qui me détaillent de haut en bas
.Comme si j’avais fait quelque chose de mal. Comme si j’étais sortie en pyjama,
ou dans une tenue inadéquate.
Et voila, mon cœur bat la
chamade, je sens une pellicule de transpiration qui commence à recouvrir ma
nuque, ma lèvre supérieure.
Je voudrais tellement être
invisible.
Un pas.
Un autre pas…
Chaque pas qui me rapproche
d’eux fait battre mon cœur plus vite, plus fort.
Ne pas s’évanouir.
Faire comme si de rien était.
Faire comme si de rien était.
Faire comme si je ne les
avais pas vus.
Peut-être qu’ils ne m’ont
pas vu…
Peut-être que…
Une main qui agrippe mon
bras. Comme la serre d’un aigle. Comme la serre d’un oiseau de proie. Je suis
une proie. Ils sont des chasseurs, des rapaces. Mais les rapaces, ils chassent
pour se nourrir. Pourquoi chassent-ils eux ? Pour le plaisir de
dominer ? Pour le plaisir de faire croire qu’ils sont supérieurs aux
autres ?
Alors que je le connais moi
ces jeunes. Je les ai vus en grenouillères avec un ours dessus. Je les ai vu la
tétine dans la bouche, le doudou Tchoupy sous le bras. Je les ai vus tremblants
devant le portail de la grande école le jour de leur rentrée en CP. Je les ai
vus grondés par leur mère, plier devant leurs aînés. Je les ai vus se tenir la
joue après une gifle de leurs pères.
Eux qui ont connus
l’humiliation, pourquoi la font-ils subir aux autres ?
Des frissons dans mon
corps, dans mon cœur. Des tremblements dans mes jambes.
Pourquoi le
« lâchez-moi » qui hurlent dans ma tête est il coincé dans ma gorge ?
pourquoi ne veut-il pas sortir ?
Je me sens nulle.
Je suis une moins que rien.
Je me sens nulle.
Je suis une moins que rien.
Nos textes se ressemblent, l'invisibilité, la serre d'aigle ... le mien se termine sur une note positive ... mais effectivement les textes de ce matin développent cette impuissance, cette envie de nous fondre dans le néant ... triste réalité.
RépondreSupprimerje viens de lire votre texte... " les mots couteaux" c'est ça, les mots qui font mal, qui coupent tout et avant tout l'estime de soi, le sentiment de sécurité qu'on devrait tous avoir quand on sort dehors!
SupprimerCe cri muet, exprimé dans presque tous les textes, ce sentiment de nullité...
RépondreSupprimerHarcèlement de rue, droit de cuissage, inégalité de salaire, rester voilée, femmes vendues, esclaves, ventres...
comment le comportement de quelques uns peu " pourrir" la vie de personnes qui n'avaient rien demandé!
SupprimerCette terrible cette peur et tu la décris merveilleusement bien !
RépondreSupprimermerci de votre lecture!
SupprimerC'est terrible cette fin ! Elle me serre le cœur.
RépondreSupprimerc'est malheureusement le quotidien de centaines d'anonymes...
SupprimerTitou il est magnifique ton texte....Bien construit,avec une belle progression dans l'histoire si simple et malheureusement banale que tu nous racontes.Et tu poses une question importante: à quel moment un petit garçon à doudou peut-il se transformer en prédateur sexuel?...Pourquoi certains le deviennent-ils et d'autres pas?...
RépondreSupprimerc'est une question que je me pose souvent. Je suis instit en maternelle dans un quartier " prioritaire". Souvent je regarde mes petits qui me font des câlins et je m'interroge: que deviendront ils mes petits mignons ( ou moins mignons...)? Seront -ils des caïds ceux qui viennent me faire des calons quand ils sortent de la sieste??? Si oui , qu'est ce qui ou qui est-ce qui va le faire basculer?
SupprimerCette peur, cette impuissance qui tétanise ... et cette violence totale ...
RépondreSupprimerCette indifférence aussi face à ce harcèlement quotidien que subissent nombre de femmes...
ce texte est magnifique, fort et juste ...
Merci infiniment ....
merci beaucoup pour cette proposition d'ateliers d'écriture.. il serait interressant de soumettre ces photos à des collégiens, des lycéens.. dans tous les collèges ( favorisés ou non... )
SupprimerJ'ai beaucoup aimé le crescendo de ton texte, écrit à la première personne... on sent à la fois la peur et l'incompréhension. Merci de ce beau texte limpide et clair.
RépondreSupprimerMerci à vous pour votre lecture et pour votre compliment!!
SupprimerJ'ai beaucoup aimé le crescendo de ton texte, écrit à la première personne... on sent à la fois la peur et l'incompréhension. Merci de ce beau texte limpide et clair.
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