- Comme un père (Laurence Tardieu)
- Poche: 118 pages
- Editeur : Points (5 juin 2008)
- Collection : Points
- Langue : Français
- ISBN-10: 275780247X
- ISBN-13: 978-2757802472
Résumé/avis :
Comment
apprivoiser un père ? Est-il possible de le faire alors que l’on a déjà 25
ans et que l’on s’est construit avec son absence ?
Ce
sont les questions qui me sont venues à l’esprit en lisant ce récit de cette cohabitation
forcée. Ce sont Louise et François
doivent cohabiter. Elle est à 25 ans, et a perdu sa mère. Il sort après 20 ans d’incarcération
et il a besoin d’un lieu de transition pour 5 jours.
J’ai
d’abord été désarçonnée par le style de narration. Parfois c’est Louise qui
nous parle, utilisant le « je ». A d’autres moments c’est un
narrateur omniscient (ou alors une Louise qui s’observerait ?) qui parle
en utilisant « elle ».
La
conséquence c’est que le lecteur se retrouve alternativement dans et en-dehors
de la tête de Louise. Et comme Louise, il est sur le fil, il hésite le lecteur.
Comme la jeune femme il ne sait quelle distance adopter avec cet homme. Doit-il
le rejeter ? L’ignorer ? Lui
laisser une chance ? L’accueillir à bras ouverts ?
Mais
le rejeter en bloc, n’est-ce pas
admettre que son absence à créer des failles, des blessures ? Quant à l’accepter…
il faudrait alors réfléchir à la place
qu’on est prêt à lui faire ou à lui laisser …
L’écriture
resserrée, économe en mot, de Laurence
Tardieu, renforce presque le coté animal du face à face entre François et
Louise. Chacun observe, « sent »,
« écoute » l’autre, comme le feraient deux animaux condamnés à
partager le même territoire. Les mots semblent trop douloureux pour être
prononcés. C’est bien le portrait de deux être en souffrance que nous dressent
ici l’auteur.
Elle
soulève aussi, en filigrane, les problèmes que peut poser la réinsertion après
une longue incarcération : la difficulté de reprendre une vie quotidienne,
de se réinsérer dans la société, celle
aussi de se faire une place dans le monde qui à continuer de tourner,
dans la vie des autres et dans sa propre vie.
Encore
un court roman qui prend aux tripes avec des personnages pleins de failles, et
en souffrance mais si vrais !
Encore
un coup de poing-coup de cœur.
Citations :
«
Depuis la nuit dernière, elle se sent entraînée malgré elle dans une spirale
qui rend chacun de ses mots et ses gestes dur et tranchant. »
«
Les mots ont jailli sans qu’elle ait pu les retenir. Il demeure immobile, elle
lit dans ses yeux la souffrance et l’étonnement. D’autres paroles continuent de
crier en elle : Vous êtes un vide qui se découpe en moi et qui retournera
dans son vide. »
«
Cette solitude, même avec les plus proches. »
« Voila la
vie. On est heureux. On en est parfois conscient. Soudain tout bascule. On se
retrouve plongé dans un autre temps, un autre espace. L’existence se referme.
On est pris à son piège. On s’enfonce dans la solitude. Impossible de saisir la
main de quiconque.
L’époque heureuse apparaît comme une bulle, flottant, légère et inatteignable,
au dessus de nous. »
«
Moi
mes coups durs, je ne les ai pas pris en pleine face, je les ai toujours pris
de côté, parce qu’ils n’étaient pas nets, ils étaient, tu sais, comme un vase
magnifique qu’on a fêlé mais qu’on continue à laisser en évidence chez soi en
le disposant de telle manière que la fêlure n’apparaissent pas aux yeux des autres,
tu vois ce que je veux dire ?
Il y a un décalage entre ce que toi tu ressens (ta peine parce que
ton vase est abîmé) et ce que les autres voient »
«
C’est difficile de comprendre les autres, la tentation est parfois forte de les
vouloir comme nous. »
«
C’est quoi un père, est-ce que ça s’aime forcément, c’est bizarre ce mot père,
ça sonne sec et lourd et mou. »
«
Ne me laisse pas seule, la solitude c’est comme une vieille personne, lorsqu’elle
est là, on sent soudain son enveloppe, pesante, se cramponner à soi. »
Une auteure dont on parlait justement à mon club de lecture ce samedi.
RépondreSupprimer