Merci à Bricabook pour sa proposition de photo et à Kot pour sa photo
( et merci à Mme Bizot, dont la lecture du livre " Dix!" m'a inspiré.
( et merci à Mme Bizot, dont la lecture du livre " Dix!" m'a inspiré.
"Ça y est. Il est l’heure.
Il faut y aller.
Il plie son journal
soigneusement. Depuis tout à l’heure il le fixait… mais le voyait-il ?
Non. C’était juste pour ne pas avoir les mains vides, pour ne pas sembler
inoccupé qu’il l’avait déplié. Les lettres dansaient devant ses yeux, accrochées
les unes aux autres. Elles ne formaient pas des mots, juste des suites de
petits dessins, comme un code secret inconnu. Aucun sens. En aurait-il combiné
les sons qu’elles devaient coder, il n’aurait pas compris les sens des mots
ainsi produits. Comme quand, enfant il prononçait des dizaines de fois d’affilées
le même mot et que celui-ci perdait tout sens ….
Il a déchaussé ses
lunettes. Une fois encore il en a soigneusement replié les branches.
Ses yeux fixent cet «
empilement » de ses lunettes sur le journal et mais il le voit pas. Son
esprit est ailleurs. Il est déjà dans le futur. Dans ce moment tant attendu.
Dans ce moment mille fois imaginé, inventé. Espéré. Craint. Il a tenté d’en prévoir chaque minute, tout en
sachant que tout sera différent.
Depuis des jours, depuis
le premier instant même, il l’a imaginé ce rendez-vous.
Après tant de temps.
Comment revenir face à lui, comment l’affronter après… après ce qu’il a fait.
A chaque seconde, à chaque
pas qu’il avait fait pour s’éloigner de lui, dans ce parc, il avait regretté.
Une petite voix en lui avait essayé de le convaincre que c’était pour le mieux,
qu’il ne serait jamais à la hauteur de toute façon… Une petite voix qu’il avait
tentée de museler. Mais même si elle s’était
tue, elle était restée, comme en sous-titre dans chaque acte de sa vie, dans
chacune des minutes de sa vie. Pendant ses 20 dernières années... Un sous-titre
brûlant, cassant. Un sous titre qui lui vrillait les entrailles : «
tu l’as abandonné ».
Et puis il y avait eu ce
jour où il avait pris la décision de le recontacter. Pris la décision ?
Non. Il ne l’avait pas pris lui-même cette décision. C’est son corps qui avait
décidé pour lui. Ce sont ses doigts qui avaient tapé son prénom dans le moteur
de recherche internet. Ce sont ces doigts qui avaient tapé le message laconique
« je voudrais te revoir », sa main encore qui avait guidé la flèche
de la souris vers le mot « envoyer », puis cliqué. Son corps avait
fait sécession. Il n’avait pas laissé le choix à sa tête. Peut être était-ce en
s’alliant avec son cœur que son corps avait ainsi pu prendre le pouvoir. Il ne
saurait jamais.
De toute façon, il était
trop tard. Dans quelques minutes, il allait se lever, traverser la rue et
aborder le jeune homme qui attendait depuis quelques minutes de l’autre côté de
la rue. Un jeune homme qui attendait
depuis 20 ans.
Depuis qu’il avait marché
à reculons vers le petit portail
métallique rouillé de ce parc…."
Un début vraiment bluffant, sur cet esprit qui ne veut plus se laisser distraire par les mots. J'aime beaucoup l'idée que les sens, le corps prennent le dessus sur l'intellect.
RépondreSupprimerun peu flippant comme idée mais je pense que c'est parfois vrai ...
SupprimerJ'aime beaucoup l'idée de cette histoire et l'émotion qui s'en dégage....Joli texte.
RépondreSupprimermerci et merci de votre passage !
SupprimerUn texte émouvant dont on aimerait connaitre la suite.
RépondreSupprimerla suite est laissée à l'imagination du lecteur... car de multiple suite sont possibles!!!!!!!!!!
Supprimermerci de votre lecture!
Ouh terrible texte ... l'abandon n'est-il pas la pire chose qu'on puisse infliger et s'infliger ?
RépondreSupprimerEn tout cas, je comprends que les mots dansent devant lui ... tu as bien croqué cette émotion.
merci ...l'abandon peut être multiple ... et parfois on peut s'abandonner soit même, se renier...
SupprimerDifficiles "retrouvailles", si bien exprimées.
RépondreSupprimerretrouvailles qui ne sont pas seulement celle d'un père et son fils, mais aussi d'un homme avec lui même !
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