dimanche 29 novembre 2015

Atelier 198



© Kot
 Merci à  et  Kot ....




«  La lumière ? Éteinte. Le four ? Éteint. La porte ? Fermée et même fermée à double tour.
Bon c’est parti alors. Une nouvelle journée commence. »

Comme tous les matins elle refaisait mentalement les gestes machinales qu’elle avait accomplis avant de partir.
Comme tous les matins elle avait tout éteint, plongeant son appartement dans le noir.
Comme tous les matins elle avait fermé à clé la porte de l’appartement.
Comme tous les matins, elle avait descendu les escaliers, fermé la porte d’entrée de l’immeuble.
Comme tous les matins elle avait franchi les quelques mètres qui la séparait de la bouche de métro.
Comme tous les matins elle s’était engouffrée dans les couloirs obscurs, et bondés du métro.
Comme tous les matins elle était montée, ou plutôt s’était affalée sur le siège  de la rame.
Comme tous les matins.
Elle avait beau râler, dire que ça puait, qu’il y avait trop de monde, trop de bruit, trop de grèves… trop de ci et pas assez de ça, elle n’aurait pour rien au monde, choisi un autre moyen de transport.
Elle avait besoin de ce moment hors de temps,  de ce sas entre son chez elle et son boulot.
Cet espace temps lui était nécessaire, presque aussi vitale que de l’oxygène.  Elle avait besoin de ce moment hors du temps, pour se mettre en condition. La musique, dans ses oreilles, lavait son cerveau des cauchemars de la nuit. Même si certains résistaient, même si elle savait qu’ils resteraient en filigrane  dans son cerveau, qu’ils rejailliraient à chaque temps mort de la journée, le voyage en métro les mettait à distance.
Elle utilisait ces minutes souterraines, pour tenter de les mettre à distance.
20 minutes pour observer les autres être humains, pour se demander qui ils étaient, où ils allaient.
20 minutes pour devenir ce qu’elle allait montrer aux autres. Contrairement à la majorité des filles qu’elle croisait, son maquillage ne venait pas d’une palette de couleurs.
Pour elle, se maquiller, c’était mettre quelques étoiles dans ses yeux, accrocher un sourire sur son visage. C’était se répéter  comme un mantra «  je vais faire semblant de… ils ne doivent pas s’apercevoir, ils ne doivent pas savoir qui je suis. »
Surtout ne pas montrer ses failles. De toute façon, elle n’avait pas le droit. Elle n’avait pas le droit de se plaindre, de dire ses doutes et ses peurs. Montrer qui elle était, au fond d’elle-même, c’était se mettre en danger, leur laisser l’opportunité d’avoir de l’emprise sur elle. S’ils savaient… ils lui diraient qu’elle n’avait pas le droit de se plaindre, qu’elle avait tout pour être heureuse. S’ils savaient….
Mais ils ne pourraient jamais savoir. Elle ne craquerait pas. Elle allait se contenir, faire semblant, une journée de plus. Elle devait tenir, encore une journée.
Et demain ? Demain aussi, elle ferait semblant. Après demain ? Elle jouerait la même comédie, le même rôle.
Et ainsi de suite jours après jour, mois après mois…. 
Parfois, une petite voix murmurait en elle  « jusqu’à quand vas-tu tenir ? »
Elle ne savait pas alors elle la faisait taire. Elle ne devait pas se poser cette question. Juste vivre au jour le jour, moment après moment, s’immerger dans le quotidien. Comme dans un film, entre le moment où elle se levait et celui où son cerveau plongeait dans le sommeil, elle enchaînait les plans séquences…
Se lever, petit déjeuner, aller travailler, revenir du travail, travailler, manger, dormir. Surtout ne pas se poser de question, surtout ne pas penser….  Pour ne pas tomber, pour ne pas craquer, pour ne pas voir le vide, la faille en elle….

4 commentaires:

  1. Le fameux sas de décompression ;) Bon lundi !

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  2. Quel est ce vide ? Tu nous laisses sur notre faim.

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  3. Il y a une tres forte anxiété chez elle,visible dans tous les rituels de verifications,c'est tres bien décrit...On imagine un viol caché peut-être,mais voilà on ne saura jamais.....Tu exagères quand même!!!

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  4. Merci pour tous ces commentaires, ça me touche que vous ayez pris le temps de lire mes piètres lignes!
    Bonne semaine à vous !!!!!!!!!

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