
- Drôle d’hiver ( Agnès Lacor)
- Broché: 189 pages
- Editeur : Tohu-Bohu éditions (4 janvier 2019)
- Collection : ROMAN
- Langue : Français
- ISBN-10: 2376220807
- ISBN-13: 978-2376220800
- Dimensions du produit: 20 x 1,8 x 15,5 cm
Certains personnages hantent longtemps dans la mémoire
des lecteurs … à peine avais-je lu les premières lignes de ce que je savais qu’Emma
allait être de ceux-là…
Mon résumé :
Quel âge a Emma ? difficile à dire : si pour l’Etat
civil c’est 16 ans presque 17… dans sa tête… c’est autre chose.
Emma vit avec sa mère qui est concierge dans un immeuble
parisien.
Au moment où commence son récit, elle s’est « installée »
dans la chambre que sa mère occupe à l’hôpital. Celle-ci est victime d’hémiplégie et d’aphasie. Si elle
récupère doucement au niveau des gestes, sa parole est toujours absente.
Alors c’est Emma qui parle pour elles deux.
Elle raconte leur vie dans l’appartement parisien, entre
Rose (la propriétaire grippe-sous), la famille Poinsonnet ( dont le fils a
décidé de tester avec Emma toutes les positions du kamasutra dans des « quart
d’heure sexe »). Il y a aussi Jésus l’italien du dessus, un confident pour
Emma a qui elle demande d’installer des toilettes dans l’appartemetn pour éviter
de partager celles au fond de la cour.
En trame de fond de ce récit, résonne son amour pour sa mère,
sa difficulté à assumer son nouveau rôle de « fille-mère » pour une mère
privée de parole. L’adolescence est déjà un passage difficile pour n’importe quelle
jeune fille de 16 ans, mais comment être ado et se rebeller contre une mère dont
on doit prendre soin, dont on ne sait pas si elle redeviendra un jour « comme
avant ». Emma nous raconte aussi celle qu’elle est « à l’extérieur »,
et en particulier sa relation aux hommes, à son corps.
Mon avis :
Chaque livre a une histoire. Je pourrais presque dire que c’est
par hasard que j’ai lu celui-ci. Je l’avais choisi lors d’une masse critique de
Babelio. Mais au moment de confirmer mon
choix, bug de la page internet…pressée (et stressée par mon inspection) je n’ai
pas recommencé mon choix. Quelle ne fut pas ma surprise donc de recevoir un
mail m’annonçant, quelques jours plus tard que j’allais le recevoir.
Un hasard donc, mais un heureux hasard !!! J’ai aimé cette
lecture pour sa dureté et sa tendresse mêlées : il n’y a qu’une voix dans
ce récit, celle d’Emma, mais quelle voix !!! Chacun de ses mots frappent au
cœur, remuent les tripes de son lecteur. On sent la femme qui émerge sous l’adolescente.
Une naissance prématurée, anticipée à cause des évènements ; On sent l’enfant
fragilisée, même si elle ne le dit pas, par l’absence d’un père, par sa
non-existence dans sa vie.
Agnès Lacor manie les mots avec talent ;
Ce livre aurait pu être lourd par son ambiance, par le
sujet, mais il ne l’est pas grâce à l’humour. Car les personnages qu’elle invente
sont tour à tour, attendrissant, drôle, repoussant, réels en fait. Pas de »
les hommes sont méchants et les femmes sont gentilles ». Dans chacun on
retrouve une personne de notre quotidien croisée ou côtoyée plus longuement.
Il y a de l’humour donc mais aussi et surtout beaucoup d’amour
aussi dans cette histoire. L’amour transpire chacun des mots qu’Emma adresse à
sa mère ou utilise pour parler d’elle. Malgré l’envie qu’elle aurait d’une vie
plus douce, plus extravagante pour sa mère, elle ne la juge jamais.
Je remercie vraiment Babelio pour cette lecture, qui va
longtemps raisonner et que je conseille.
« Il a parlé de mon courage (le docteur). Il ne m’a pas laissé lui
répondre que je ne savais pas faire autrement. Que loin de toi c’est la peur. »
« Je retourne dans la chambre des silences. Tes silences, pas les
miens. Moi je n’arrête pas de te couvrir de mots. Il y en a que tu comprends. »
« Tout ce morceau de toi qui est parti avec tes mots. Ton silence
m’a emportée au fond d’un gouffre. Je t‘en veux. Pour toi. Pour moi. »
« Je pense à ta vie sans hommes, à ce corps jamais partagée qui reste
silencieux. Je voudrais te dire qu’il m’appartient, que j’ai le droit de
connaitre ton histoire, que c’est aussi mon histoire. Mais il garde son secret.
En perdant ses mots, il s’est construit la plus terrible des forteresses. Même
ta fille ne parvient pas à la franchir. »
« N’importe quel homme dans cette rue pouvait s’appeler Jean Dumage. Un
père sans visage, ça se colle n’importe où. Dans la peau des plus laids ou des
plus beaux. C’est une question d’humeur ou de temps qu’il fait. »
« J’avais déjà le gout de ton silence dans la bouche. Les jours ont
coulé, on me dit que je suis grande. Je dois le croire. Ton immobilité m’y
oblige. J’ai envie de te dire que sans toi, ce serait mieux. Mais ce n’est pas
vrai. Je suis là, à t’attendre. Pourquoi me suis-je réveillée ce matin sans
savoir si je voulais encore attendre. J’ai besoin d’un signe de toi. »
Une bonne pioche grâce à Babelio.
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